Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Journal d'un TCA
4 juin 2015

JOUR 2 : UNE CHOSE A LA FOIS

Aujourd’hui, ça va.

Bon, il n’est même pas 11h du matin donc c’est plutôt chouette que ça aille, même si je sens bien que je tergiverse bien malgré moi. Je commence à digérer la situation, à accepter tout ça. Ca me donne une nouvelle vision des choses et je crois que je commence à observer mon comportement alimentaire via un nouveau prisme. C’est assez compliqué : je me vois faire, après coup, et ça ne me rend pas fière, au contraire. Je me fais même peur, quand j’y regarde de près. Cette façon incontrôlée de me comporter, cette incapacité impossibilité à me maîtriser, ce besoin viscéral d’engloutir… En l’expliquant à mon copain hier, l’image qui m’est venue était plutôt claire : Hypou est énorme, ou plutôt, la cause d’Hypou est énorme. Je dois le pressentir, le ressentir. Alors j’essaie de l’éloigner, de la cacher à ma vue, en entassant des tonnes et des tonnes de nourriture par-dessus. Comme quand on voit une énorme araignée et qu’on pose une boîte à chaussures dessus. Puis un manteau sur la boîte à chaussures. Puis une couette sur le manteau. Puis un gilet sur la couette. Puis, puis, puis. On se retrouve avec une pyramide.

Bancale, instable, énorme.

On la laisse là, et on continue notre petit bonhomme de chemin. Sauf qu’au final, l’araignée est toujours là, et rien ne nous dit qu’elle n’est pas en train de grandir, sous sa pyramide. Elle est bel et bien vivante et, mine de rien, elle nous fait toujours peur. Elle encombre notre espace. Elle mobilise notre matériel. Elle nous empêche d’être complètement à l’aise.

C’est elle, Hypou. Mais je vais finir par devoir enlever chaque couche de la pyramide, et soulever la boîte. Mais, pas tout de suite. Je ne suis pas prête. Il va me falloir du temps.

Pour le moment, je réfléchis. A mille à l’heure comme d’habitude – mon cerveau a décidé qu’il ne prendrait jamais de pause, de toute façon.

Alors je me demande si faire un énième régime est, à court terme, la meilleure solution. J’ai décidé que je devais perdre 20 kilos avant même de comprendre que ce qui me tord le ventre si souvent, c’est Hypou, et ses gros sabots. Je me disais qu’il fallait absolument que je fasse un régime, que je contrôle tout ça, no matter what (bilingue, tmtc). Mais plus je contrôle, ou du moins, plus j’essaie, plus Hypou se débat, et plus Hypou gagne. Peut-être que finalement, m’imposer un régime n’est pas la première chose à faire. Peut-être que je dois commencer par me laisser le droit.

Le droit de manger de la pizza. Des hamburgers. Des pâtes à la crème. Des sushis. Le droit de tout manger. Mais avec l’obligation de veiller aux quantités. M’imposer une limite, un seuil, une barrière. C’est ça, qui va être difficile. Ce n’est pas comme ça qu’on m’a éduquée, que je me suis éduquée. Quand j’étais ado, tous les dimanches, ma mère préparait un énorme saladier de pâte à crêpes. Elle ne mangeait pas – ma mère et moi, toute une histoire que je ne développerai pas, mais qui, je pense, a joué son rôle dans toute cette histoire – mais elle m’installait le saladier sur la table. L’appareil à crêpes à côté. Le pot de Nutella. Et c’était parti. Je ne quittais pas la table tant que je n’avais pas vidé le saladier de la dernière goutte de pâte.

Je mangeais sans faim, sans plaisir. Mais je devais finir. Et je finissais.

Même rengaine avec les raclettes. J’y avais droit tous les samedis. Trois paquets de fromages. L’appareil à raclette devant moi. Une ou deux pommes de terre, de la charcuterie. Ma mère qui regarde. Et moi qui mange. Mange. Engloutis.

« De toute façon tu aimes bien le fromage ! »

Oui. Oui j’adore ça. Enfin, je crois ?

Je n’avais pas énormément de force de caractère, quand j’étais ado. Je n’avais aucune conscience de ce que je faisais. Ma mère avait une emprise tout à fait toxique sur moi, et je viens de réaliser à quel point. Peut-être bien qu’elle l’a encore, même si j’ai tout fait pour l’éloigner de moi et ne plus rien entretenir avec elle.  Je n’en sais rien. Oui, les flashs de souvenirs, les choses comme ça. C’est compliqué de les assembler. Parce que ce qu’on découvre n’est pas toujours ce que l’on aurait voulu savoir.

Et je me retrouve donc là. Un régime ou pas ? C’est ce qui va finir par arriver. D’ailleurs, je ne suis pas certaine qu’il faille parler de régime, plutôt de rééquilibre alimentaire. La coach de la salle de sport m’a donné rendez-vous jeudi prochain pour une première séance, et elle a été très claire : elle ne va, au début, m’imposer aucune modification dans mon comportement alimentaire. Je pense que c’est pour me permettre d’observer si je le ferai de moi-même, mais aussi pour que mon corps accepte le sport sans manquer de quoi que ce soit. Alors si je commençais par me détendre et ne pas m’angoisser pour un milliard de choses à la fois ?

J’ai rencontré Hypou. Je suis dans la phase d’acceptation. Elle est là, c’est un fait. L’ignorer ne changera rien à tout ça. Je dois simplement me concentrer à ne pas la nourrir, à ne pas l’approvisionner. Je dois apprendre à contrôler, à me contrôler. Pas de régime drastique. En attendant de commencer le sport, dans une semaine tout pile, je mangerai. Normalement. C’est quelque chose qui, je crois, ne m’est jamais arrivé.

Autant dire que c’est donc tout un programme. 

Publicité
Commentaires
Journal d'un TCA
Publicité
Derniers commentaires
Newsletter
2 abonnés
Publicité