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Journal d'un TCA
4 juin 2015

JOUR 2 : "J'AI BESOIN DE VOUS."

J’adore les gens autant que, parfois, je les crains, je crois.

C’est assez compliqué (j’ai l’impression d’employer ce terme au moins douze fois par article, comme quoi hein…). J’étais déjà assez susceptible concernant toutes les conversations qui pouvaient tourner autour du poids ou de la nourriture, que je sois concernée ou non. Je le suis encore plus. Quand ça parle régime, je bouillonne. Les discours à base de « En même temps, un peu de volonté et de sport, c’est pas grand-chose ! A un moment il faut se prendre en mains aussi ! ». Oui. Eh bien figure-toi que j’ai beau faire tout ça et avoir réellement envie de me prendre en mains je n’y arrive pas. Alors, d’accord, il y a certaines personnes pour qui ça peut convenir, mais pas toutes. Mais pas moi.

Je réagis au quart de tour dès que j’entends dire à quelqu’un « Tu n’avais pas dit que tu ferais attention ? ». Alors que, d’une ça ne me regarde pas, et de deux, ce n’est pas parce que ce genre de discours ne fonctionne pas avec moi qu’il ne fonctionne avec personne. C’est un sujet tellement sensible pour moi que j’en fais une affaire d’état quand personne d’autre que moi ne s’insurge, ou même ne relève. C’est dingue. J’en suis même arrivée au point où c’est très compliqué pour moi de manger devant des gens.

Attendez, petite pause, c’est venu tout seul, je ne savais pas que j’allais l’écrire et le poids de la vérité vient juste de me mettre un soufflet. Une putain de grosse tarte dans la gueule, comme dirait l’autre. Je me suis promis de ne rien effacer, de ne rien censurer, donc je le laisse, et je laisse en même temps pour esprit se faire à l’idée. Oui, c’est compliqué pour moi de manger devant les gens. Non je ne l’ai jamais dit à personne. Oui, même moi je faisais la sourde oreille par rapport à ça. Je viens de le réaliser. Hypou me maîtrise et me contrôle à ce point. Youpi.

Manger devant quelqu’un ou auprès de quelqu’un est un véritable calvaire, un vrai supplice. Qu’il soit l’heure de manger ou pas, que l’occasion s’y porte ou non, je suis constamment en train de me demander ce que les gens vont bien penser de moi quand ils vont me voir ingurgiter tout ça. « Elle devrait moins manger, la grosse ! », « C’est écœurant, comme elle mange ! », « Elle croit vraiment qu’elle a besoin de ça ? », et j’en passe et des meilleures. Il est très rare que je mange un sandwich seule dans la rue, ou même que j’ose grignoter un gâteau ou une friandise, même une viennoiserie. Et quand je suis avec des gens que je connais, des gens que j’aime… J’ai terriblement honte. Tellement, je crois, que je me force à manger très vite, pour que le supplice se termine rapidement et qu’ils aient à peine le temps de voir à quel point je peux être un subtil mélange entre « monstrueuse » et « qui fait pitié ». Alors pourquoi est-ce que je finis mon assiette ? Pourquoi est-ce que j’accepte d’en reprendre ? Pourquoi je ne dis rien quand les gens disent que je vais finir ce que les enfants ont laissé ? Peut-être parce que je me dis que je ne peux m’en prendre qu’à moi. Que de toute façon, je ne suis bonne qu’à ça. Qu’on sait que je mange, que ça ne sert à rien que j’essaie de m’en cacher. Que les gens ont raison et que, de toute façon, il n’y a rien à faire.

Super.

Depuis ce matin évidemment, comme tous les jours, Hypou m’accompagne. Elle est tranquillement en train d’attendre un moment de plus grande faiblesse pour me sauter à la gorge et me vampiriser un peu plus mais heureusement je ne suis pas toute seule. Mes amies et mon chéri sont là. Mais je crois que je suis vaguement (HAHA, euphémisme) en train de culpabiliser. De quel droit je leur ai parlé de tout ça ? Pourquoi devraient-ils s’en faire pour moi à ce sujet ? Est-ce que c’est être faible d’être intimement persuadée que je vais avoir besoin d’eux pour m’en sortir ? Faible, peut-être, égoïste, j’ai l’impression que c’est sûr.

Hier soir, mon copain m’a posé une question qui m’a littéralement brisé le cœur. « Est-ce que tes crises sont plus nombreuses, depuis qu’on est ensemble ? »

NON.

Non, non, et non. Bien évidemment que non, au contraire. Mais j’ai eu l’air tellement mal, j’ai tellement laissé voir ma détresse qu’il a pu se figurer un instant qu’il était un complice d’Hypou. Je m’en suis voulu pour ça, et je m’en veux encore. Parce que c’est totalement faux, en plus. Les crises ont toujours été là, toujours à cette cadence. Elles ont peut-être un poil accéléré depuis que je suis arrivée ici, dans cette nouvelle vie, mais jamais, jamais à cause de lui. Au contraire. Il m’aide tellement. Il est celui qui ne me laisse pas toute seule, celui qui n’est jamais trop loin, celui qui est d’une patience d’ange. Je m’en veux vraiment qu’il puisse avoir pensé ça, même moins d’une minute.

Tout comme ces amies, indéfectibles, toujours là, que je prends pour mon journal intime, pour lesquelles je ne mets aucun filtre. Qui me connaissent sans doute mieux que je ne me connais moi-même et qui doivent désormais porter mon fardeau et toutes mes peurs en plus des leurs. De quel droit ?

Je m’en veux et en même temps, je suis tellement égoïste que je me dis que si c’était à refaire je le referai. Parce qu’il est temps de le reconnaître, je ne peux pas m’en sortir toute seule. J’aimerais bien pouvoir faire croire à tout le monde que je suis forte et que je peux me débrouiller toute seule, mais c’est un mensonge.

Un très gros mensonge.

Je suis toute seule, ou presque, depuis que je suis toute petite et ça ne m’a pas réussi. Les seules choses que j’ai accomplies et dont je suis fière, elles ont eu lieu quand j’ai osé attraper la main que des personnes me tendaient.

Alors oui, ces personnes le savent déjà. Mais j’ai besoin d’elles. J’ai terriblement besoin d’elles. Et ça me coûte parce que j’ai tendance à croire que quand on s’attache pour de bon à quelqu’un, le quelqu’un finit toujours par partir. J’ai tendance à croire que quand le quelqu’un part, je n’ai aucun droit de le retenir.

J’avais tendance à croire qu’on devenait plus faible quand on aimait des gens si forts qu’on se laissait être nous, avec tout le noir et tout le sombre que ça implique. J’avais tendance à croire que personne ne pouvait voir une pointe de lumière en moi.

Personne, sauf eux.

Eux à qui j’ai envie de dire que je les aime. Que je suis désolée. Eux à qui j’ai depuis quelques temps déjà jeté une bouteille à la mer, avec écrit, sur le papier froissé, en gros, en tremblotant : « J’ai besoin de vous. ». 

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