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Journal d'un TCA
20 juillet 2015

JOUR 47 / METAMORPHOSE JOUR 15 : LETTRE AUX PROCHES LINECOACHING #1

Lettre 1 : J'ai fini mon programme et atteint mon poids idéal :
Imaginez que vous vous situez trois années dans le futur, que vous avez fini votre programme minceur et que vous avez atteint votre poids idéal. Racontez à cette connaissance (ami, membre de la famille...) quelle est votre vie aujourd'hui, sans les kilos en trop.

 

_____________________

 

Mon chéri,

Ce matin, je me suis regardée dans le miroir. Ce matin, je me suis souvenue combien c’était pour moi douloureux, à une époque, de faire ça. C’était une véritable épreuve, un calvaire. Quand j’osais le faire, c’était uniquement pour faire l’état des lieux de tout ce qu’il y avait de difforme et d’immonde chez moi. Je me souviens de ce que je te disais, rien ne survivait. Il n’y avait rien à garder. A part mes yeux, peut-être, et encore.

Pourtant, ce matin, quand je me suis regardée dans le miroir, je n’ai pas eu une seule pensée de ce type. Je ne me suis pas attardée sur mes vergetures, ou sur les quelques traces de cellulite. Je n’ai pas cherché à imaginer comment pourrait être mon corps sans le gras ici, sans les bourrelets là. Non, ce matin, quand je me suis regardée dans le miroir, j’ai plutôt pensé à quel vêtement j’avais envie de m’acheter. J’ai hésité entre une jupe et un short. Un mini-short. Je sais que tu trouves que ça me va bien, sur des collants opaques. Et à vrai dire, moi aussi.

Ce matin, j’ai réalisé tout le chemin que j’avais parcouru. Ce matin j’étais fière de moi. Ce matin, je me suis rendue compte que j’étais bien dans ma peau. J’avais encore la bouche pleine de la cuillère de Nutella que j’avais prise en passant, et devine quoi ? Peu importe. Ce matin, j’ai réalisé que je mangeais ce que je voulais, comme je voulais, parce que je me fais confiance. Parce que je sais que je m’arrêterai quand je n’aurai plus faim. Parce que je prends plaisir à chaque bouchée. Je ne me souviens même plus de ce que ça me faisait, de cohabiter avec Hypou. Je me souviens le mal-être, mais très vaguement.

Parce que ce matin, j’ai réalisé qu’Hypou était morte. Partie. Disparue, pour de bon.

Ce matin, quand tu as posé tes yeux sur moi, je n’ai pas douté. Je n’ai pas voulu me cacher. Je ne me suis pas sentie ridicule, apeurée, honteuse. J’attendais simplement que tu me prennes dans tes bras, et tu l’as fait – comme tu l’as toujours fait. Ce matin, je n’ai pas eu peur que tes mains se posent sur mes hanches, mes fesses, ou mon ventre. Parce que je les trouve jolis, même imparfaits. Parce que j’arrive à accepter l’idée que tu les aimes comme ils sont. Je t’ai vue me regarder, ce matin. Je me suis sentie belle, dans tes yeux, et dans les miens. C’est tellement jubilatoire, c’est tellement euphorisant ! J’ai réalisé, ce matin, que je n’ai plus peur. Je n’ai pas peur que tu t’en ailles, en permanence. Je n’ai plus peur que tu sois dégoûté au point d’aller voir ailleurs.

A vrai dire, je n’ai plus peur de grand-chose. Je n’ai plus peur de croiser le regard de quelqu’un dans la rue, surtout si je suis en train de manger. Je n’ai plus peur de me mettre en maillot de bain devant ma famille, ta famille, nos amis. Je n’ai plus peur de porter les vêtements qui me plaisent. Je n’ai plus peur qu’on me remarque. Je n’ai plus peur de courir, de faire du sport. Je n’ai plus peur de dire de bêtises. Je n’ai plus peur d’être trop, ni de trop. Je n’ai plus peur de te faire honte. Je n’ai plus peur de regarder les photos. Je n’ai plus peur de me peser, je n’ai plus peur de manger. Je n’ai plus peur d’être toute seule. Je n’ai plus peur qu’on m’abandonne, que tu m’abandonnes. Je n’ai même plus peur de m’empiffrer quand ça m’arrive – parce que oui, ça m’arrive encore.

Mais ça ne m’arrive plus parce que je ne sais pas me contrôler, parce que je nie mes émotions, parce que je les fuis. Ca m’arrive simplement parce que, de temps en temps, j’ai envie. Et la fois d’après, je compense, j’équilibre. Sans angoisse.

Ce matin, mon chéri, je me suis trouvée tellement sereine, tellement apaisée.

Je ne me prive plus de rien, je ne suis plus obsédée par la nourriture, et surtout, je ne suis plus égoïste. Avant, je passais mon temps à me regarder le nombril, à me perdre en contemplation et en chagrin, en colère et en honte, en culpabilité et en solitude. Je me souviens qu’à chaque fois qu’on parlait de moi – et ça arrivait souvent, je te présente tellement mes excuses à ce sujet, d’ailleurs - j’avais envie de pleurer. Je crois même qu’à chaque fois, je pleurais. Je pleurais souvent, avant. Et tu étais là, tout le temps, pour me rassurer. Mais je pleurais quand même, après. Ce n’était pas toi, ça n’a jamais été toi. C’était moi. J’étais tellement contre moi. Ma pire ennemie.

Je me souviens de toutes mes crises de panique, de toutes mes angoisses injustifiées, de cette façon de bouder et de râler pour rien. Parce que j’étais toujours mal, quelque part, au fond, sans même le savoir. Et ne pas réussir à être celle que je voulais être à tes yeux me faisait tellement mal. Tu méritais tellement mieux que celle que j’étais. Et pourtant, tu es resté. Est-ce que tu sais à quel point je te remercie ? Est-ce que tu sais combien ta présence, tes encouragements, tes remises en place ont été précieux, partout, tout le temps ? Est-ce que tu réalises que tu as toujours été là, les jours de bien comme de moins bien ? Non, sans doute pas. Pourtant tu étais là. Dès le début. Tu as toujours été patient, doux, attentionné, compréhensif, ferme, encourageant, aimant. Même quand je me détestais au point de rêver de pouvoir déchirer mon corps pour en avoir un nouveau, tu arrivais à voir en moi le plus beau. Je ne te l’ai jamais réellement bien rendu, j’en suis désolée. Je te présente mes excuses.

Ce matin, je me suis souvenue de combien j’avais du mal avec le sport. Ce matin, je me suis souvenue combien je ne pensais pas y arriver. J’étais impatiente, ça a toujours été mon problème, avec mon poids. Il fallait que tout arrive, vite, sinon, j’abandonnais. A vrai dire, avant, j’abandonnais vite. Je baissais rapidement les bras si Hypou me glissait à l’oreille même rien qu’une fois que je n’y arriverai pas. Combien de projets avortés, jusqu’à mon changement de vie, avant mes 25 ans et (presque) demi ? Combien de regrets ? Tellement.

Et depuis ? Plus aucun. Parce que c’était la chose dont je me sentais la moins capable. Et pourtant j’ai tenu. Grâce à toi, grâce à nos amis, grâce à moi. J’ai tenu.

Ca fait trois ans, maintenant. J’ai l’impression que c’était hier, et en même temps j’ai la sensation que c’était il y a une éternité. Je n’ai pas radicalement changé. J’ai encore quelques névroses, et clairement je suis loin d’être parfaite.

Mais ça me va.

Parce que j’ai réussi. Parce que j’ai réussi à vivre. Pour de bon.

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